Le président de l’étude internationale sur la compréhension en lecture : « On a même dit qu’on perdrait 20 ans à cause du covid, mais ça n’a pas été si grave »

Thierry Rocher, président de l’Association internationale pour l’évaluation du rendement scolaire (IEA), dans une image fournie par l’organisation.Elisabeth Greve Celin (STUDIOWNDRLND)

La Progress in International Reading Comprehension Study (PIRLS), publiée ce mardi, est la première grande évaluation internationale à être publiée après la pandémie. Le test a examiné 400 000 étudiants de 57 pays entre 2021 et début 2022, et il y avait beaucoup d’intérêt à en savoir plus sur la perte mondiale qu’il reflétait et sa répartition géographique. Thierry Rocher, président depuis 2018 de la Association internationale pour l’évaluation du rendement scolaire (IEA), l’entité composée d’agences officielles et de centres de recherche publics et privés de plus de 60 pays qui prépare le PIRLS, affirme que les résultats confirment qu’il y a eu un impact « probablement » attribuable au covid, et que celui-ci a été inégal. Mais en tout cas, le coronavirus ne s’est pas avéré être le cheval éducatif d’Attila que certains prédisaient en 2020. Du moins, s’empresse-t-il de le préciser, en termes de compétences en lecture chez les enfants de l’âge analysé. Rocher a répondu aux questions il y a quelques jours par visioconférence depuis son bureau à Paris.

Demander. Le PIRLS montre une baisse des compétences en lecture dans la plupart des pays. Il semble évident que cela était dû au covid, mais vous maintenez un point de prudence.

Répondre. Ce n’est pas si facil. Nous avons l’édition précédente de 2016 et celle de 2021. Entre les deux dates, nous avons eu le covid, mais les pays peuvent également avoir mis en place des politiques et des mesures. Cela étant dit, il semble raisonnable de supposer que cette baisse mondiale, qui ne s’était pas produite lors des éditions précédentes, est due au covid. En même temps, on constate que cette baisse n’est pas aussi importante que ce à quoi on aurait pu s’attendre en écoutant certains analystes à l’époque. Si vous vous souvenez, ils ont été publiés en disant que nous allions perdre 20 ans en termes d’éducation, malgré le manque de preuves à l’appui. Il y a un impact, mais il n’est pas aussi grave que prévu. A l’IEA nous avons en revanche une grande quantité de données et après ce premier volet nous sommes en train de faire une analyse secondaire, et d’essayer de préciser, par exemple, la relation entre la durée des fermetures d’écoles dans différents pays et la baisse des résultats.

Q Est-il possible que la perte dans d’autres types de compétitions soit plus importante ? Certaines études suggèrent que, dans des domaines comme les mathématiques, la fermeture des écoles, l’absence pendant des mois de contact en classe entre élèves et enseignants, aurait pu avoir des conséquences plus graves. En lecture, il semble plus facile pour les enseignants de diriger à distance, ou pour les parents d’aider leurs enfants pendant le confinement.

R Probablement. Il est difficile de répondre avec les données du PIRLS. D’après les données plus générales que j’ai vues en France, l’âge joue sûrement aussi un rôle. Dans les cours précédents, l’histoire était peut-être différente. Si vous pensez à un enfant en première année, il est plus difficile pour les parents de prendre en charge l’enseignement de la lecture. En fait, nous avons constaté un impact plus important à ces niveaux qu’aux niveaux ultérieurs. D’autre part, les résultats peuvent également avoir été influencés par le fait que lors de la fermeture de l’école, les enseignants ont décidé de mettre l’accent sur les compétences clés, à savoir la lecture et les mathématiques.

Q Ce qui influence le plus la capacité de lecture d’un enfant, c’est le niveau socio-économique et culturel de sa famille. Les écarts entre élèves de classe sociale inférieure et supérieure atteignent la moyenne du PIRLS et de nombreux pays européens les deux années scolaires. Que peuvent faire les gouvernements et les écoles pour combler un tel écart?

R Oui, l’environnement familial a un impact énorme. Notre rôle au PIRLS est surtout d’être des observateurs, de fournir des informations, et je ne pense pas qu’il y ait une recette politique qui puisse être appliquée partout. Mais d’après ce que nous savons, dans de nombreux systèmes éducatifs, ces différences que le PIRLS détecte au primaire ont tendance à augmenter, il est donc préférable d’intervenir tôt, dans les premières années. Il existe plusieurs façons de le faire qui sont rassemblées dans la littérature scientifique. Un puissant consiste à réduire de moitié, dans les zones socialement défavorisées, la taille des classes de première et de deuxième année, en les laissant, par exemple, à 12 élèves par classe. Mais il y en a d’autres.

Q Que pensez-vous des résultats de l’Espagne ?

R L’amélioration que l’Espagne a eue en 2016, de 15 points, était vraiment significative, je pense que c’est une question à étudier. La baisse qui s’est produite entre 2016 et 2021 est également significative, bien que moindre, surtout si on la compare aux baisses dans d’autres pays européens, et suit la tendance mondiale probablement due à la crise du covid. L’Espagne est, en même temps, un pays plus homogène que la plupart, bien qu’il ait encore des différences. Il est très intéressant qu’il n’y ait pas de distance dans les résultats des garçons et des filles, alors qu’en général il y en a et qu’elle est généralement grande. Pourquoi ça arrive ? Est-ce lié au niveau de confiance en la lecture, par le degré auquel ils aiment lire ? Ce sont de bonnes questions à poser.

Q Les pays avec les meilleurs résultats ont-ils quelque chose en commun ?

R C’est une question très difficile. Au-dessus de la classification, vous pouvez trouver des systèmes très différents. Décentralisés et centralisés, qui donnent de l’autonomie aux centres éducatifs et qui ne… Il est difficile de trouver un point commun, nous n’avons pas de recette magique pour bien le faire, et je ne pense pas non plus que cela fonctionne pour importer des problèmes spécifiques d’un pays. Je pense cependant qu’il est bon d’analyser ce que font les autres pays. Voyez, par exemple, comment ils organisent leurs programmes, et que cela inspire les experts spécifiques de chaque pays pour décider comment le faire.

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