Une cinquantaine de jeunes ont crié ce jeudi après-midi comme s'ils étaient un millier devant le siège du Parlement marocain à Rabat, où le roi Mohamed VI prononcera vendredi le discours d'ouverture des sessions des Chambres législatives. « Liberté pour les détenus. » « Santé publique et éducation ». « Punition pour les corrompus. » Des « phosphates pour les Marocains », et donc une série de revendications, à l'image de celles adressées au monarque par le mouvement GenZ 212 – la génération Z qui affiche l'indicatif téléphonique international du Maroc – et qui a mobilisé en seulement deux semaines les moins de 30 ans dans une flambée sociale sans précédent dans ce pays du Maghreb.
« Je suis venue dans toutes les concentrations GenZ 212 », a déclaré Fátima, une étudiante en médecine de 19 ans à l'Université de Rabat, parmi une nuée de photographes, de policiers en civil et de manifestants contre la peine de mort ou le chômage des diplômés universitaires.
Le boulevard devant le Parlement, discrètement protégé par une poignée d'officiers, est le brise-lames traditionnel de toutes les manifestations. « Bien sûr, nous attendons une réponse du roi dans son discours. À quoi cela me servira-t-il d'étudier la médecine si je n'investis pas dans les hôpitaux ? » » a-t-elle argumenté, la tête couverte par un foulard violet au milieu d'un rassemblement paisible et festif. L'un des manifestants a montré une copie de la statuette hollywoodienne des Oscars. Un autre, un grand tableau de Mohamed VI. Plusieurs drapeaux nationaux marocains flottaient au vent.
Le mouvement GenZ 212, sorti de l'anonymat, a surpris la classe dirigeante, et même la gauche traditionnelle, qui s'est jointe mercredi aux revendications des jeunes dans une lettre ouverte signée par 60 personnalités. Ce jeudi, il a repris pacifiquement ses manifestations dans 15 des principales villes du pays après deux jours de suspension « pour planifier, coordonner et renforcer l'impact de ses mobilisations », dans une génération plus attentive à ceux-ci qu'aux dirigeants politiques. Ce vendredi, ils envisagent de suspendre à nouveau les rassemblements « en signe de respect et de considération pour le roi Mohamed VI ».
Dans un communiqué, ce groupe anonyme assure que leur décision reflète « un profond respect pour la monarchie et une volonté sincère de placer l'intérêt national avant toute autre considération ». « Il ne s'agit pas d'un recul par rapport à nos revendications légitimes », précise-t-il, « mais plutôt d'une démonstration de civisme et de responsabilité ». GenZ 212 ajoute qu'elle rejette la violence et se réaffirme sur la voie du dialogue comme moyen de faire entendre la voix des jeunes et de renforcer la cohésion nationale.
Ils continuent cependant de réclamer le chef du premier ministre, le libéral Aziz Ajanuch, à qui ils reprochent la dérive des dépenses publiques vers la construction de stades et d'infrastructures liées à la Coupe d'Afrique des nations de football, qui débute en décembre, et à la Coupe du monde 2030 ―co-organisée avec l'Espagne et le Portugal―, au détriment des services publics essentiels. En plus d'exiger sa démission et celle de son gouvernement de coalition de conservateurs et de nationalistes, ils ont lancé une campagne contre les entreprises de la famille Ajanuch, la deuxième fortune du pays d'Afrique du Nord après la famille royale.
Les jeunes #Marocains Ils retournent dans la rue à la veille de la réponse de Momamed VI à leurs revendications au Parkamento de Rabat, devant l'endroit où ils se rassemblent, après presque deux semaines de protestation. pic.twitter.com/x95CvT1Gw5
– Juan Carlos Sanz (@jcspais) 9 octobre 2025
GenZ12 diffuse désormais sur les réseaux sociaux son slogan pour boycotter la société Afriquía Gas, propriétaire du principal réseau de stations-service marocain. Parallèlement, le journal officiel proche du pouvoir royal a remis en question la stratégie de communication du gouvernement lors des mobilisations sociales, à commencer par son porte-parole, le ministre Mustafá Baitas.
GenZ 212 a diffusé jeudi soir sur les réseaux sociaux la plateforme intitulée « Document de revendications de la jeunesse marocaine pour l'activation du pacte constitutionnel », un texte cité par l'agence Efe, dans lequel elle détaille ses principales revendications pour combler le « grand écart » entre les promesses constitutionnelles et la réalité sociale du pays.
Le mouvement de jeunesse réaffirme son adhésion aux piliers fondamentaux de l'État : l'Islam, l'unité nationale, la monarchie et la démocratie, conformément à l'article premier de la Constitution de 2011. Il rappelle toutefois l'obligation de garantir des services de santé modernes, une éducation de qualité et un emploi décent aux jeunes, tout en soulignant la méfiance croissante entre les jeunes et les institutions publiques.
Devant le siège du Parlement, Mehdi, étudiant en philologie germanique de 22 ans, a également scandé des slogans pour exiger la libération des manifestants arrêtés lors des manifestations. « Ils ne peuvent pas passer un jour de plus derrière les barreaux », a-t-il clamé. « Je suis venu à tous les appels GenZ 212. Maintenant, nous sommes unis et nous pouvons faire en sorte que nos mobilisations soient prises en compte », a-t-il déclaré, entouré d'un groupe d'étudiants universitaires.
Un tribunal d'Agadir (sud) a condamné mercredi un jeune homme à 10 ans de prison pour sa participation aux émeutes du 1er dans la ville voisine de Laqliaa, où trois manifestants ont été abattus par les forces de sécurité lors d'une tentative d'assaut contre un poste de police. Des dizaines de blessés ont été signalés, dont des policiers. Une centaine de jeunes restent en prison en attente de jugement dans tout le pays, tandis que plus de 250 ont été libérés provisoirement, également dans l'attente d'une procédure pénale. Une équipe composée de dizaines d’avocats assure bénévolement sa défense gratuite.
Ce jeudi, un bref communiqué de la Famille Royale a confirmé la présence du roi ce vendredi à la tribune du Parlement, en séance conjointe de la Chambre des Représentants et de la Chambre des Conseillers (Sénat). Rarement un discours de Mohamed VI aura suscité autant d'attente au cours de ses 26 années de règne.