Le ministère des Affaires étrangères, de l'Union européenne et de la Coopération du gouvernement espagnol a exhorté les citoyens espagnols qui se trouvent ce vendredi au Mali à « envisager de quitter temporairement » ce pays africain en raison de la pénurie d'essence causée par les attaques jihadistes contre des camions-citernes qui transportent du carburant en provenance des pays voisins. L’avis des Affaires étrangères intervient quelques jours après que les États-Unis, l’Allemagne et l’Italie ont explicitement recommandé à leurs citoyens de quitter le Mali pour les mêmes raisons. Cependant, l’Espagne l’a fait en utilisant un langage moins direct que Washington et ses partenaires européens.
« En raison de la crise actuelle du carburant qui affecte le Mali et en particulier sa capitale, Bamako, provoquée par des attaques terroristes sur les principales voies de communication terrestres, les voyages au Mali sont déconseillés en toutes circonstances et il est recommandé aux Espagnols qui se trouvent dans le pays d'envisager de partir temporairement », indique le ministère des Affaires étrangères dans ses recommandations aux voyages publiées ce vendredi. 1 077 Espagnols sont enregistrés au Mali, selon des sources de l'ambassade d'Espagne à Europa Press.
Le 28 octobre, l’ambassade américaine au Mali a lancé une alerte concernant « l’imprévisibilité croissante de la situation sécuritaire à Bamako » et formulé une recommandation directe : « Les citoyens américains actuellement présents au Mali devraient partir immédiatement en utilisant des vols commerciaux ». En fait, le Département d’État a ordonné au personnel non essentiel de l’ambassade et à leurs familles de quitter le pays. De son côté, le Royaume-Uni a adopté cette semaine la décision d'évacuer temporairement ses travailleurs, tandis que l'Allemagne et l'Italie ont également conseillé à leurs citoyens de quitter le pays au plus vite.
Les attaques évoquées par le ministère espagnol des Affaires étrangères sont l'œuvre du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM), une fédération de différents groupes jihadistes, qui a annoncé publiquement en août dernier l'interdiction d'importer du carburant en provenance du Sénégal, de la Côte d'Ivoire, de la Mauritanie et de la Guinée-Conakry voisins. Quelques jours plus tard, les terroristes commençaient leurs attaques contre des pétroliers en provenance du Sénégal et de Côte d'Ivoire. Le 14 septembre, ils ont par exemple incendié un convoi composé de 40 véhicules transportant du carburant vers Bamako. Leur intention est l’asphyxie économique du pays.
Le gouvernement malien, contrôlé par une junte militaire depuis le coup d’État de 2020, a réagi en déployant l’armée sur les grands axes routiers et en intensifiant les contrôles à tous les points d’accès à la capitale. De même, des militaires maliens escortent les camions regroupés en convois pour tenter de prévenir ces attaques. Malgré ces efforts, qui ont permis à certains convois d'atteindre Bamako, des pénuries de carburant se font sentir dans la capitale, notamment depuis 15 jours, et il est de plus en plus difficile de se procurer de l'essence. De même, les coupures d'électricité quotidiennes se sont intensifiées dans la capitale, durant entre six et huit heures par jour dans certains quartiers.
L'activité terroriste s'est déplacée ces derniers mois du nord et du centre du pays vers l'ouest, dans les régions entourant Bamako comme Ségou, Kayes et Sikasso. Les jihadistes ont également cherché à imposer un blocus à la ville de Kayes, proche de la frontière avec le Sénégal, et à Nioro du Sahel. Cette région est l’un des poumons économiques du pays puisque 80 % de l’or industriel qu’exporte le Mali en est extrait. De plus, à Kayes, arrosée par le fleuve Sénégal, se trouvent le barrage de Namantalí et une bonne partie des cultures de coton du pays. C'est la deuxième région la plus importante pour l'économie du pays, après la capitale.
Le Mali vit sous la menace permanente du terrorisme depuis 2012, lorsque des groupes jihadistes et des rebelles touaregs se sont associés dans une insurrection qui a provoqué une solide intervention militaire française dans le nord du pays. Cependant, la situation sécuritaire a continué à se détériorer et le djihadisme s’est propagé au centre du Mali et de là au Burkina Faso et au Niger. En 2020, l’armée malienne a mené un coup d’État, expulsé les troupes françaises et s’est tournée vers la Russie comme nouvel allié international. Depuis, les mercenaires de Wagner, devenus Africa Corps, opèrent aux côtés des troupes maliennes. Tout cela n’a pas empêché les groupes jihadistes, notamment le JNIM dirigé par le terroriste Iyad Ag Ghali, de poursuivre leur progression et d’attaquer de plus en plus près de la capitale et même à l’intérieur même de la ville.