La justice française condamne huit personnes à des peines allant de 1 à 16 ans pour leur implication dans le meurtre de Samuel Paty

Un tribunal spécial de Paris a condamné vendredi huit personnes accusées de complicité dans le meurtre du professeur Samuel Paty à des peines comprises entre un et 16 ans de prison. L’enseignant a été décapité en octobre 2020 par un islamiste en pleine rue alors qu’il quittait son lycée et rentrait chez lui. Son histoire a profondément marqué la société française ces quatre dernières années. Parmi les condamnés figurent les deux amis de l'auteur des faits, le Tchétchène Abdulakh Anzorov, tué par la police le jour même de l'attaque. Également le prédicateur fondamentaliste et père d’un étudiant, qui a orchestré une campagne numérique de haine contre le professeur d’histoire et de géographie. Les peines ont été plus sévères que celles demandées par le parquet.

Les huit prévenus – sept hommes et une femme – étaient assis sur le banc des accusés depuis novembre, accusés d'avoir prêté assistance à l'auteur du meurtre et d'avoir organisé une campagne de haine numérique contre Paty. La peine la plus lourde a été écopée par les deux amis d'Anzorov, nés à Moscou en 2002, et qui habitaient à 60 kilomètres de l'institut à Conflans-Sainte-Honorine, commune de 35 000 habitants au nord-ouest de Paris. Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov ont été reconnus coupables de complicité d'assassinat de l'enseignant. Ils avaient alors respectivement 22 et 23 ans et accompagnaient le meurtrier à Rouen, dans l'ouest de la France, pour acheter un couteau retrouvé sur les lieux du crime.

Plusieurs personnes ont rendu hommage à Samuel Paty devant l'école du Bois d'Aulne, dans la commune de Conflans-Sainte-Honorine, près de Paris, le 20 octobre 2020.Samuel Boivin (NurPhoto/Getty Images)

Lors des audiences, tous deux ont répété qu'Anzorov leur avait dit que le couteau était « un cadeau » pour son grand-père. Le jour de l'attaque, le 16 octobre 2020, Boudaoud a également accompagné l'auteur du meurtre dans un magasin d'armes et l'a déposé près de l'école où enseignait Paty. A cette époque, une campagne virale était déjà en cours contre l'enseignant, faussement accusé d'avoir exclu des élèves d'un cours sur la liberté d'expression, dans lequel il montrait des caricatures de Mahomet publiées par l'hebdomadaire Charlie Hebdo. Le magazine satirique a été victime d'un attentat terroriste en janvier 2015, lorsque deux frères sont entrés par effraction dans le bâtiment abritant le journal et ont tué 12 personnes, dont huit membres de l'équipe éditoriale.

Cinq ans plus tard, Aznorov s'est présenté à l'école de Paty, a demandé à certains élèves des informations pour l'aider à reconnaître sa cible et a commis le meurtre sauvage. La mort du professeur de 47 ans a choqué la France. Plusieurs rues, places et écoles portent désormais son nom. Le premier procès, qui s'est tenu l'année dernière, s'est concentré sur les mineurs qui ont fourni accès et informations à l'agresseur pour persécuter l'enseignant et le tuer. Six d'entre eux ont été condamnés à des peines allant de 6 à 14 mois de prison pour leur implication dans le meurtre.

Campagne de haine sur les réseaux

Outre les deux accusés de complicité de crime, le tribunal de Paris a également condamné Abdelhakim Sefrioui, prédicateur fondamentaliste, et Brahim Chnina, père d'élève, à 15 et 13 ans de prison. Tous deux ont orchestré la campagne de haine numérique contre l'enseignant et se sont rendus à l'école une semaine avant le crime pour menacer l'enseignant et protester contre son comportement.

La fille adolescente de Chnina avait été expulsée du centre depuis quelques jours pour mauvais comportement. Elle a invoqué auprès de ses parents le fait qu'elle avait été punie pour avoir affronté Paty après qu'il aurait invité les élèves musulmans à quitter la classe. C'était faux. Le père de l'étudiant, accompagné du prédicateur fondamentaliste, a diffusé le mensonge sur les réseaux sociaux et les forums islamistes, déclenchant une campagne de haine qui s'est avérée mortelle.

Lors du procès, il a affirmé que ce qu'il avait fait était « irréparable » et « impardonnable » et il a regretté d'avoir cru sa fille. Le professeur a en effet suggéré que quiconque ne voulait pas regarder les caricatures du prophète ferme les yeux, détourne le regard ou quitte brièvement la classe.

Les peines ont été moindres pour d'autres prévenus, accusés d'avoir provoqué le terrorisme en diffusant des messages islamistes via les réseaux sociaux et d'avoir été en contact avec Anzorov. Ismail Gamaev, le seul à avoir reconnu sa culpabilité, a été condamné à cinq ans de prison dont 30 mois avec dispense de peine. Priscilla Mangel à trois ans de prison, Louqmane Ingar à trois ans de prison, dont deux exemptés, et Yusur Cinar à un an de prison.

Le Parquet national antiterroriste (PNAT) avait requis des peines comprises entre 18 mois et 16 ans de prison contre les huit prévenus. Après les condamnations, Thibault de Montbrial, l'avocat de Mickaëlle Paty, une des sœurs du professeur, a déclaré : « Ce soir, c'est la République qui a gagné. »