Coopération espagnole : dans le jardin du doute

Parmi les revendications les plus partagées avec lesquelles a débuté la dernière législature espagnole figurait la nécessité de réformer en profondeur le système de coopération au développement. Il ne s’agit pas seulement d’inverser les effets d’une longue décennie de coupes budgétaires, mais aussi de reconfigurer ses institutions et ses politiques pour les aligner sur de nouvelles manières de concevoir l’action de développement. A ello obligaba, entre otros factores, el afán por recomponer la imagen y proyección internacional de España, seriamente dañadas tras la crisis de 2008. Quienes accedieron a la responsabilidad de gobierno coincidían en esa necesidad, aunque no parece que tuvieran entonces mucho más que decir Sur le thème. En échange, ils ont invoqué un objectif pour clarifier le processus : approuver une nouvelle loi sur la coopération qui remplacerait celle déjà dépassée de 1998.

Durant les deux premières années de la législature, les proclamations répétées de volonté réformiste de la part des autorités ne se sont traduites par aucune initiative. Il a fallu attendre le changement au sein du ministère de tutelle pour que le processus soit activé, déjà sur le point de franchir la moitié de la législature. Finalement, en février 2023, la nouvelle loi a été approuvée, ce qui a recueilli un large consensus social et parlementaire. Il est vrai que le texte juridique dégage encore une vision verticale de la coopération qui n’est pas en phase avec la nouvelle réalité internationale et avec les vents décoloniaux qui secouent l’aide, mais il constitue néanmoins un bon point de départ pour engager la réforme. Le retard avec lequel le processus a commencé a cependant eu des conséquences, car il a empêché l’élaboration réglementaire de la loi avant le déclenchement des élections.

Achever ce processus inachevé sera donc la tâche première et la plus urgente des autorités responsables de cette nouvelle législature. Il ne s’agit pas d’une entreprise simple ou routinière. La loi approuvée, bien que longue dans l’énonciation de principes, est très sobre en ce qui concerne la conception et la réglementation des mécanismes de fonctionnement du système. Ce que sera le futur système de coopération dépendra donc de la portée et de l’orientation des évolutions réglementaires à venir. Et c’est ici que les questions dépassent les certitudes, alimentant une ombre dense de doutes qui atteint certains des piliers de la politique de coopération.

Il est nécessaire de refonder l’AECID pour qu’elle abandonne son ton « ministériel » actuel et lui donne le pouls vivant d’une institution entrepreneuriale.

C’est le cas par exemple de la réforme de l’AECID : quel est le modèle d’agence de développement que vous souhaitez proposer ? Il est difficile d’anticiper une réponse. Ce que la politique de développement actuelle exige, ce sont des agences dynamiques, bien équipées techniquement, capables de proposer des réponses innovantes aux problèmes complexes du développement durable et possédant l’expérience nécessaire pour construire les partenariats qui les rendent possibles. C’est loin de ce que fait aujourd’hui l’AECID, présentée comme une institution sclérosée, soumise à une régulation dysfonctionnelle, débordée par les tâches de gestion, mal dimensionnée dans ses équipes techniques et avec une culture de travail franchement dépassée. Vérifiez simplement vos newsletters ou votre page Web pour confirmer le ton fade d’une institution plutôt égocentrique. La responsabilité n’incombe pas tant aux professionnels qui travaillent à l’AECID qu’au modèle institutionnel adopté. La transformation de ce modèle nécessite plus que des changements cosmétiques ou un simple lifting : il est nécessaire de refonder l’AECID pour qu’elle abandonne son ton actuel et lui donne le pouls vivant d’une institution entrepreneuriale. Cela nécessite de revoir les fonctions, la structure organisationnelle et la culture de travail et de doter l’institution de la capacité de capter le capital expert dont elle a besoin sur le marché. Le gouvernement est-il disposé à entreprendre cette transformation ?

Une indétermination similaire existe en ce qui concerne la coopération financière, l’un des piliers fondamentaux des systèmes modernes de coopération au développement. Dans la plupart de nos pays voisins, cette modalité a acquis une pertinence croissante étant donné les limites des dons pour financer un agenda complexe comme 2030, la gestion de ces instruments étant confiée à des institutions spécialisées, dans de nombreux cas des banques publiques de développement.

Notre instrument de coopération financière, le Fonprode, plus modeste et paroissial dans sa conception, n’a jamais réussi à fonctionner correctement, en partie à cause d’une structure de régulation et de gouvernance manifestement inadéquate. La nouvelle loi transforme cet instrument en un nouveau fonds, FEDES, élargissant ainsi le champ de ses opérations et rendant les processus de décision plus flexibles. Cependant, trois limites importantes restent inchangées : l’absence de personnalité juridique du fonds, les restrictions pour opérer sur les marchés des capitaux et l’ancrage de sa gestion dans une institution (l’AECID) dépourvue de spécialisation financière. Ces limitations n’empêcheront probablement pas la nouvelle FEDES d’avoir une vie plus décente que son prédécesseur, mais elles condamneront certainement la coopération espagnole à continuer de jouer dans une ligue mineure, réduisant ainsi sa capacité d’initiative et de leadership sur le plan international.

L’instrument de coopération financière espagnol n’a jamais réussi à fonctionner correctement, en partie à cause d’une structure de réglementation et de gouvernance manifestement inadéquate.

L’objectif prometteur d’organiser le panorama fragmenté des instruments publics de financement international autour d’un conglomérat unitaire (peut-être une banque publique de développement) semble s’être refroidi, peut-être par manque d’ambition ou peut-être en raison du désir mesquin de certains ministères de préserver ce qui est leur propre propre. Dans ce contexte, serons-nous capables d’articuler un instrument qui contribue à accroître notre aide et place l’Espagne parmi les principaux acteurs européens de la coopération financière ?

L’une des caractéristiques les plus uniques et les plus reconnues de la coopération espagnole est l’entité qui acquiert en son sein une coopération décentralisée, réalisée par des communautés autonomes et des entités locales. En plus de rapprocher l’action solidaire des citoyens, cette modalité enrichit la politique de coopération en offrant des sensibilités et des modèles de gestion différenciés. Pour que cette richesse ne se traduise pas par une dispersion, il est bon qu’il existe un mécanisme de dialogue et de collaboration entre les différents niveaux de l’Administration. Le mécanisme précédent, la Commission interterritoriale, montre un mauvais équilibre, c’est pourquoi la nouvelle loi confie cette tâche de coordination à une conférence sectorielle, semblable à celles qui existent dans d’autres sphères de politique publique. Cependant, la réglementation restrictive de ces instances fait qu’elles peuvent difficilement être considérées comme de véritables mécanismes de co-gouvernance : leur structure de contrôle verticale est mal alignée avec l’esprit quasi fédéral qui devrait les inspirer. Il n’est donc pas surprenant que les communautés autonomes dotées de systèmes de coopération plus puissants manifestent très peu d’intérêt pour cette proposition. L’évolution réglementaire pourra-t-elle compenser ce défaut originel ?

Enfin, l’ombre du doute s’étend également sur les engagements budgétaires : la réforme n’aurait que peu d’utilité si les moyens alloués à cette politique la condamnaient à l’inutilité. Il est vrai que le gouvernement s’est engagé à placer l’aide, en 2027, à 0,55 % du revenu national et à atteindre 0,7 % en 2030. Cependant, le fait que toutes les promesses similaires faites dans le passé n’ont pas été tenues réduit la confiance dans cet objectif. Pour que cette fois-ci les choses soient différentes, il faudra établir une voie claire et publique pour l’évolution des ressources tout au long de la législature. La confusion existante autour des chiffres sur lesquels il se base n’aide pas ce processus, mais admettons que nous clôturons 2023 avec une APD proche de 0,30% du revenu national, ce qui nécessitera qu’au cours des quatre prochaines années les ressources des pays qui les aident croître à un rythme annuel proche de 20 %. L’objectif est exigeant, surtout s’il prend en compte l’effort de consolidation budgétaire et de réduction de la dette requis par les règles budgétaires européennes récemment rétablies. Le Gouvernement saura-t-il rendre cet exercice compatible avec le maintien de son engagement budgétaire en matière d’aide internationale ?

Les quatre aspects indiqués confirment que, bien que nous soyons confrontés à un moment crucial dans la modernisation du système de coopération espagnol, il existe encore beaucoup d’incertitudes quant au scénario auquel nous sommes confrontés. Pour lever les doutes et faire pencher la balance vers les options les plus optimistes, il faudra que le gouvernement maintienne l’impulsion réformiste à la fin de la dernière législature et injecte plus de clarté et d’ambition dans ses propositions. Nous savons que les temps ne sont pas propices à la poésie, mais il doit y avoir une certaine place à l’audace.

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